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Bonjour, voici notre nouveau popup.
Les jeunes sont très attachés à leur culture et aimeraient mieux maitriser les pratiques traditionnelles. Mais tous n’ont pas les moyens de faire du camping, de la chasse ou de la pêche, par exemple. Plusieurs écoles essaient d’offrir des activités culturelles, mais ce sont des initiatives plutôt spontanées. Il faut soutenir les écoles afin qu’elles puissent assumer ce rôle en offrant aux jeunes des opportunités et en créant ou en maintenant un pont avec la communauté.
La commission scolaire Kativik investit énormément pour pouvoir offrir des activités parascolaires aux élèves du Nunavik. Ces projets peuvent sembler coûteux, mais ils sont très valorisés par les élèves. Pour plusieurs d’entre eux, c’est un moyen de s’évader un peu de tout ce qui les préoccupe, c’est également une façon d’alimenter leur imaginaire ou de pouvoir se réaliser. Il est donc important de continuer d’investir dans ces activités et d’assurer leur diversité afin que celles-ci ne soient pas uniquement concentrées dans le domaine des sports.
“Quand je joue au hockey, ma tristesse disparaît, quand je fais du sport, mes sentiments disparaissent.” (Élève fille, secteur anglophone, secondaire 2/3).
“Il faut enseigner les choses qui sont utiles pour les élèves, les guider : faire en sorte qu’ils soient fiers de leur culture, leur enseigner ce dont ils ont besoin à l’extérieur de l’école…”
Bien des facteurs menacent la préservation de la langue et de la culture inuit. Au Québec, nombreuses sont les écoles qui investissent argent et énergie dans la valorisation de la langue française, ce que nous considérons tous comme une priorité. De même, les jeunes inuit ont besoin de rester en contact avec leur langue et leur culture, c’est essentiel. Ils sont nombreux à revendiquer plus de cours d’inuktitut, eux-mêmes conscients et déçus de mal maitriser leur langue maternelle.
“Ouais, j’ai fait une entrevue avec trois aînés et… Un gars d’ici, il ne parle pas anglais et j’ai commencé… je pense que je commence à être plus forte en anglais qu’en inuktitut… c’est un triste fait mais… alors, c’était difficile pour moi de parler avec l’aîné. Parce que mon inuktitut n’est pas fort, et j’ai senti cette grande lacune alors… .” (Élève fille, secteur anglophone, secondaire 4/5).
“Comme on le sait tous, nos élèves commencent l’école en août et continuent jusqu’en juin. Je crois qu’on devrait commencer à enseigner des activités culturelles durant le congé d’été. Ce ne sont pas tous les étudiants qui ont des emplois d’été, alors plusieurs d’entre eux font simplement errer en ville. Il faut trouver le moyen d’organiser des excursions où on enseignerait aux élèves des notions concernant la chasse et le camping. Pourquoi les terrains de camping portent tel ou tel nom et quel type de nourriture retrouve-t-on dans leur zone territoriale ? Tout en campant, ils peuvent chasser et apprendre comment apprêter ce qu’ils ont chassé. Si on ne leur enseigne pas ces manières de faire, ils seront perdus, et nous savons tous que la meilleure façon d’apprendre c’est en leur montrant concrètement comment c’est fait. Aussi, il faut leur enseigner quels animaux se chassent durant chaque saison, par exemple, faire du poisson séché durant l’été. Il y a beaucoup à enseigner sur le terrain. ” (Enseignante inuit).
On entend beaucoup parler des problèmes que vivent les populations autochtones (les séquelles du colonialisme et des écoles résidentielles, les problèmes de consommation ou de violence, de pauvreté, etc.). Devant cette réalité, certains ont tendance à croire qu’il faudrait niveler les attentes académiques afin qu’elles soient plus faciles à atteindre pour les jeunes.
Or, en ne soulevant que ces problématiques, on sous-estime la résilience des jeunes inuit et leur grande capacité d’adaptation. Ainsi, on constate que les jeunes, malgré leurs conditions de vie difficiles et leurs défis personnels, ont grandement besoin d’être stimulés. Lorsque les attentes sont trop basses, ils ne se sentent pas motivés à apprendre. Au contraire, lorsque les exigences sont élevées, mais proposées par un enseignant qui adapte ses approches pédagogiques et accompagne ses élèves en les encadrant et en les encourageant, ceux-ci savent qu’ils devront mettre plus d’efforts et en retirent un plus grand sentiment d’accomplissement. Ainsi, les élèves apprécient ce qu’ils appellent la « pression positive ».
“Les enseignants devraient être encourageants, et voir le potentiel des élèves, ils ne devraient pas abandonner.” (Élève, récent diplômé)
“L’école est correcte… Mais peut-être que ce serait mieux s’il y avait plus de choses à apprendre, comme des choses difficiles. Pas juste les choses faciles.” (Élève fille, secteur anglophone, secondaire 4/5).
“… Parfois j’aime les math… parce que… ça fait travailler mon cerveau… Je ne sais pas, c’est juste amusant. ” (Élève fille, secteur francophone, secondaire 2/3).
“En secondaire 5, une enseignante nous a demandé de lire un livre, par nous-mêmes, au lieu qu’elle nous le lise, comme plusieurs enseignants avaient l’habitude de faire… J’ai vraiment aimé ça… J’ai réalisé que j’aimais lire.” (Étudiante au cégép).
En effet, une gestion efficace de la classe peut créer un environnement propice à l’apprentissage. De plus, les enseignants sont sensibilisés aux difficultés vécues par les élèves et, par conséquent, s’investissent énormément dans l’aspect relationnel et dans la gestion des comportements des jeunes. Mais les aspects pédagogiques ne devraient pas être sacrifiés pour autant.
De plus, on constate que la réussite scolaire génère un sentiment positif de contrôle et d’auto-efficacité qui, à son tour, peut influencer le comportement et l’estime de soi de l’élève. Un élève qui n’a aucun contrôle sur plusieurs aspects de son environnement, mais qui, par exemple, réussit à comprendre comment aborder un problème mathématique sans difficulté, peut expérimenter un sens de contrôle et de réussite.
Ce serait vrai si la réussite était tout simplement basée sur les notes que les élèves obtiennent, comme dans le système québécois. Mais c’est une définition très restreinte qui néglige les autres aspects de la vie des jeunes inuit.
Le mandat de la Commission scolaire Kativik est de « préparer les élèves à développer les qualités, les compétences et les habiletés nécessaires pour leur bien-être, et qui leur permettront de se réaliser […] ainsi que devenir des membres autonomes et actifs de la société » (Énoncé de missions, CSK, p. 12).
Cette définition élargit la notion de réussite au delà d’un curriculum formel, puisqu’elle inclut également l’implication des jeunes dans leur communauté, de même que la maitrise de leur langue et la préservation de leur culture. Malgré cette précision, les notions de réussite et de succès scolaires semblent être perçues de différentes façons par le corps enseignant, pour qui les objectifs et les standards académiques apparaissent dénués de consensus et sont parfois nébuleux. Le développement d’une définition partagée, adaptée au contexte nordique et englobant à la fois des aspects académiques, sociaux et communautaires est donc nécessaire, et devrait mieux prendre en compte la notion de persévérance.
Enseigner à des classes mixtes et multiniveaux soulève des enjeux bien particuliers. Adapter ses approches pédagogiques à ce contexte s’avère à la fois nécessaire et bénéfique. Il faut investir beaucoup de temps et d’énergie pour y parvenir. Lorsque les élèves semblent manquer d’intérêt, ont peur de la nouveauté ou s’absentent très fréquemment et en grand nombre, il arrive que les enseignants se découragent. Pourtant, malgré tous ces facteurs négatifs, la majorité des élèves apprécie finalement les initiatives de leurs enseignants.
“Un enseignant respectait ses élèves et adaptait son enseignement aux besoins des élèves. Il ne baissait jamais les bras afin de parvenir à faire comprendre quelque chose à un étudiant.” (Élève étudiant au cégep).
Comme plusieurs enseignants, vous constatez qu’entre les collègues francophones, anglophones et inuit, il y a peu de collaboration et de communication. Les rassemblements se font presque toujours par secteur linguistique, que ce soit pour des raisons pratiques ou culturelles. Pourtant, le partage des expériences et des visions pédagogiques pourrait aider à trouver des solutions communes.
Lorsque les enseignants s’impliquent dans la vie communautaire ou assistent à des activités informelles, ils découvrent leurs élèves sous un jour totalement différent. Des élèves qui semblent démunis en classe s’avèrent parfois de vrais experts dans des domaines parascolaires. Ainsi, on observe autrement les capacités des élèves à gérer les conflits, les imprévus ou le travail d’équipe tout en tissant des liens plus personnels avec eux. Cela dit, ce genre d’implication peut être émotivement très prenante, laissant beaucoup moins d’énergie pour d’autres priorités.
“[…] ils [des enseignants] sont nouveaux puis je pense pas qu’ils savent beaucoup comment qu’on est… comment qu’on travaille… puis comment qu’on apprend […] alors je pense qu’ils ont besoin d’apprendre, et d’être prêts à voir comment les élèves apprennent, différentes façons… pas juste leurs façons, mais comment les élèves apprennent. […] Tout d’abord, j’irais camper avec eux. Parce que je pense qu’en tant qu’Inuit on est fiers de ça… On ne le verbalise pas tellement, mais amène-les camper, passe du temps avec les élèves pour mieux les comprendre… et construis une connexion plus forte, comme un meilleur lien … et regarde ce que les élèves sont capables de faire et ce qu’ils ne sont pas capables de faire, et travaille sur leurs faiblesses. ” (Élève fille, secteur anglophone, secondaire 4/5).
Les enseignants non-inuit, qu’ils soient francophones ou anglophones, ont rarement eu l’occasion d’apprendre l’inuktitut avant leur arrivée au Nunavik et sont également peu nombreux à posséder une expertise en enseignement langue seconde. Pourtant, connaître les bases et la structure de la langue inuktitut leur permettrait de mieux comprendre les difficultés vécues par leurs élèves (comme le fait d’apprendre plusieurs nouvelles matières dans une langue très différente de leur langue maternelle).
Les problèmes de comportement sont parfois difficiles à gérer, surtout pour les enseignants qui ont peu d’expérience. Afin de remédier à cette situation, certaines écoles adoptent des programmes comme PBIS (Positive Behavioral Intervention and Support) ou Les Écoles compatissantes. Ces approches permettent entre autres d’encourager les comportements positifs des élèves et de développer leur résilience. Toutefois, consacrer de l’énergie à la gestion de classe sans négliger les autres tâches est un équilibre difficile à atteindre. Ainsi, certains élèves croient que trop de temps est alloué à la discipline, alors que d’autres (surtout les plus âgés) disent préférer les enseignants à la fois stricts et encourageants.
Les enseignants qui n’ont enseigné que dans le nord peuvent penser que les problèmes de comportement sont particulièrement prononcés au Nunavik. Pourtant, depuis deux ans, certaines écoles du Nunavik ont commencé à comptabiliser les problèmes de comportement dans une base de données.
Comme cet histogramme l’indique, les problèmes de comportements les plus fréquemment rapportés (entre août 2013 et avril 2014) étaient les suivants : les élèves contrariés, la perturbation et quelques problèmes d’agressivité au primaire. Par conséquent, comme ce sont là des enjeux également présents dans les autres écoles de la province, il faut souligner qu’il ne s’agit pas d’un problème unique au Nunavik.
« Je ne sais pas » est une autre formule très fréquemment utilisée par les élèves. Elle est si populaire que ces derniers ont même inventé un personnage emblématique nommé « Atsuk » (« je ne sais pas » en inuktitut) lors de la création d’une histoire collective. Ainsi, si les élèves posent peu de questions, c’est parce qu’ils « ne savent pas » comment identifier le problème. Et lorsque vous demandez aux élèves s’ils ont besoin d’aide, la réponse sera souvent « je ne sais pas ».
“[…] je veux… Je ne sais pas… Je veux quelque chose… Je ne sais pas… Je suis gênée de parler de moi à la communauté, ouais… Je ne sais pas quoi dire à la communauté… Je voudrais juste partir et gênée… (rires) et ouais je ne sais pas. Je suis gênée. ” (Élève fille, secteur anglophone, secondaire 4/5).
Très souvent, les élèves disent qu’ils sont « fatigués ». De fait, la fatigue est le sentiment le plus récurrent chez les jeunes (49%). Bien que leur mode de vie (ou celui de leur famille) contribue à un réel épuisement physique ressenti par plusieurs, il faut savoir que la fatigue est une expression passe-partout pour eux.
Plutôt que de nommer les émotions précises qu’ils ressentent, comme la tristesse, l’ennui, l’angoisse, l’inquiétude ou l’anxiété, ils utilisent le mot « fatigue » qui semble plus acceptable et leur permet de préserver leur intimité.
En effet, les élèves éprouvent des difficultés à saisir le contenu des matières enseignées, car il n’est pas suffisamment adapté à leur contexte. Mais ils affirment accorder autant d’importance aux matières académiques qu’aux cours de culture inuit et de langue inuktitut, qu’ils aimeraient d’ailleurs mieux maitriser.
“Tout [est important]… ouais. Comme l’anglais, les mathématiques, les sciences humaines, l’inuktitut… important à connaître dans la vie. ” (Élève fille, secteur anglophone, secondaire 4/5).
“J’aimerais que l’inuktitut devienne quelque chose d’important… qu’on le valorise autant que le français et l’anglais” (Élève fille, secteur anglophone, secondaire 4/5)
Un exercice a été réalisé avec les élèves afin qu’ils remplissent un agenda vierge d’une semaine en y intégrant les matières qu’ils jugeaient importantes. « L’Agenda rêvé » a été collecté auprès de 12 élèves de secondaire 4/5 des sections francophone et anglophone au printemps 2012. L’exercice a confirmé les données recueillies lors des entrevues, à savoir que les élèves donnaient généralement autant d’importance aux matières inuit qu’aux matières non inuit.
C’est peut-être vrai lorsqu’ils sont plus jeunes, mais plus les élèves avancent en âge et en maturité, plus ils considèrent l’école comme quelque chose d’utile, voire même d’incontournable. Toutefois, les élèves ont du mal à concevoir concrètement ce qu’ils feront avec leur diplôme d’études secondaires. Les choix de carrière leur semblent limités (pilote, infirmier, policier, enseignant, etc.) d’où le besoin criant d’orienteurs et de séances de sensibilisation dès le jeune âge afin de développer leur imaginaire.
“C’est ce que tout le monde regarde, l’obtention du diplôme, mais des fois les gens obtiennent leur diplôme ici et ils ne font rien après, alors je ne sais pas, peut-être qu’avoir un bon emploi c’est ça la fin, pas juste avoir un diplôme et s’asseoir sur son divan.” (Élève fille, secteur anglophone, secondaire 4/5).
“Je pense que le but de l’école est bon. Comme, mmm… On va ouvrir nos horizons, on va avoir plus d’occasions dans la vie.” (Élève fille, secteur anglophone, secondaire 4/5).
“Les enseignants et l’école devraient dire aux jeunes “tu peux aller au Cégep” : déjà en 4e et 5e année : ils devraient leur dire leurs options. La première fois que j’ai entendu parler du Cégep, j’étais en secondaire 4 : c’est trop tard.” (Étudiant au cégèp)
En réalité, même si les élèves paraissent désintéressés, ils affirment tous être motivés. Par contre, leur désir d’apprendre n’est pas suffisant. S’ils ont l’air démunis face aux tâches scolaires et particulièrement réticents face à la nouveauté, c’est parce qu’ils ne savent pas comment faire et ont peur d’échouer. Ainsi, ils posent rarement des questions, car ils ne sont pas en mesure d’identifier leurs propres difficultés, mais presque tous apprécient quand l’enseignant leur offre une aide individualisée.
“…à l’école, on devrait avoir des cours de chant, de théâtre, plus d’activités amusantes, plus de parcours possibles, parce que tout le monde est différent […]. C’est comme prendre un éléphant, un poisson, un loup, un ours et un singe et leur dire… de grimper un arbre… et c’est certain que c’est le singe qui va gagner parce qu’il est bon là-dedans… alors les autres animaux, ils doivent avoir leur chance aussi, comme les autres…” (Élève fille, secteur anglophone, secondaire 4/5).
La solitude peut être lourde, surtout quand on vit beaucoup de stress. Lorsqu’ils ressentent le besoin de décompresser ou de se confier à d’autres, les enseignants voient vite les limites d’une petite communauté où tout finit par se savoir. Ainsi, ils se sentent parfois pris dans leur identité professionnelle.
Le contexte trilingue (inuktitut, anglais, français) rend la collaboration entre les enseignants souvent complexe. On constate que, pour des raisons d’ordre pratique et culturel, les enseignants ont tendance à se regrouper selon la langue et la culture qu’ils partagent.
Si l’on reconnaît que la production de matériel pédagogique adapté au contexte inuit a grandement progressé, son utilisation pratique demeure limitée. Plusieurs enseignants (qu’ils soient inuit ou qallunaat) semblent avoir de la difficulté à comprendre comment l’utiliser dans le cadre de leurs cours.
En général, rares sont les enseignants ayant préalablement suivi une formation en enseignement langue seconde. De plus, certains doivent donner des cours qui ne correspondent pas à leur spécialité d’enseignement.
Comme il y a peu d’élèves par niveau, ceux-ci sont souvent regroupés dans une même classe (secondaire 2 et 3, secondaire 4 et 5). Plus encore, les défis que soulève cette combinaison de niveaux scolaires se voient multipliés par une variation importante des connaissances antérieures des élèves. Les capacités d’apprentissage des élèves sont donc très variées, allant d’un grand besoin d’accompagnement individualisé à une aptitude au travail autonome.
Bonjour Mme. Garakani,
Je suis enseignante au Nunavik depuis maintenant 5 ans. Je songe sérieusement à poursuivre mes études à la maîtrise. J’aimerais m’attarder à la manière dont pourrait être adapté l’enseignement afin de répondre aux besoins réels des communautés Inuit du Nunavik. Je souhaite lire votre recherche. Je n’ai pas toujours accès à internet et je me demandais si vous pourriez m’envoyer un fichier pdf de celle-ci. Est-ce que vous disposez d’une version anglaise? J’aimerais partager votre travail avec un collègue anglophone.
Merci beau ou et au plaisir de vous lire.
Vikie Brabant
Bonjour Mme Garakani,
Existe-t-il une version anglaise ou inuktitut de ce site web?